C.A. PARIS, 13 Septembre 2002

Note de M. Philippe MALINVAUD :

En cas de vente de l’ouvrage affecté de désordres, le sort de l’action en responsabilité relève de l’application de deux règles.

D’une part, la jurisprudence considère que la garantie est attachée à la propriété de l’immeuble et qu’elle suit celui-ci en toutes les mains dans lesquelles il passe.

La solution était déjà consacrée avant même la loi de 1978 par la Cour de cassation qui admettait le transfert de l’action en garantie décennale à tous les acquéreurs successifs comme étant un accessoire de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 21 mars 1979). Ainsi, en cas de vente de l’ouvrage, l’action en garantie passe à l’acquéreur.

D’autre part, et corrélativement, si l’action en garantie passe aux acquéreurs successifs, le maître de l’ouvrage « ne perd pas la faculté de l’exercer dès lors qu’elle présente pour lui un intérêt certain et qu’il peut donc invoquer un préjudice personnel » (Cass. 3e civ., 31 mai 1995).
Mais, l’action étant normalement transmise à l’acquéreur, il incombe au vendeur de faire la preuve de son intérêt à agir (Cass. 3e civ., 3 mai 2001).

Bien évidemment, en cas de vente, les parties sont libres de régler conventionnellement le point de savoir qui, du vendeur ou de l’acheteur, aura qualité pour exercer ou poursuivre les éventuelles actions en garantie contre les constructeurs et pour en recueillir le bénéfice.

Pareille convention relève de la liberté contractuelle, comme d’ailleurs toute modification de l’accord originaire (Cass. 3e civ., 8 avr. 1992). On pourra par exemple stipuler que le vendeur conservera le bénéfice des actions en cours et que l’acquéreur exercera les recours pour tout désordre apparaissant postérieurement à la vente (Cass. 3e civ., 20 avr. 1988).

C’est ce qui avait été fait dans la présente espèce où il avait été stipulé très clairement que « la procédure serait continuée par le vendeur, qui assumerait les conséquences passives ou actives en résultant et qui conserverait notamment toute indemnité pouvant être allouée dans le cadre de cette procédure, l’acquéreur renonçant à l’exécution des travaux de remise en état de l’immeuble (…) ou à une indemnité quelconque, le prix de vente de l’immeuble ayant été fixé en tenant compte de la moins-value résultant pour cet immeuble des malfaçons précitées ».

Et, comble de précautions, par un protocole d’accord séparé, il était expressément stipulé que le vendeur « serait subrogé, à la signature de l’acte authentique de vente, dans les droits et actions de l’acquéreur ».

Source : R.D.I. 2002 n°6, page 545