C.A. ORLEANS, 8 novembre 2001

Le juge-commissaire excède ses pouvoirs en procédant à des enchères privées sous plis cachetés pour choisir l’offre d’acquisition de gré à gré la plus intéressante.

Il convient de s’en tenir aux seuls procédés prévus à l’article L. 622-16 du Code de commerce.

Note de M. Jean-Pierre GARCON :

La décision rapportée mérite d’être signalée.

Elle remet en cause une pratique fréquente consistant à organiser des ventes amiables par offres sous plis cachetés remises au juge-commissaire.

En l’occurrence, plusieurs offres concurrentes d’acquisition de parcelles ayant été reçues, le juge-commissaire avait demandé à leurs auteurs de formuler confidentiellement une nouvelle offre, étant entendu que ces parcelles seraient attribuées au plus offrant.

Les consorts H l’emportaient donc pour le prix global de 115 000 F.

Un acquéreur évincé exerça un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire.

On sait que l’article L. 622-16 du Code de commerce ne prévoit que trois formes de vente pour les immeubles : la vente par adjudication à la barre du tribunal en la forme des saisies immobilières, la vente par adjudication amiable devant notaire, ou la vente de gré à gré.

On retiendra les termes par lesquels se trouvent rappelés ces principes d’ordre public de réalisation des actifs : « il n’est pas permis de combiner plusieurs de ces modes, ni d’en inventer d’autres » et la recherche du prix le plus élevé n’autorisait pas le juge-commissaire, « sauf à excéder ses pouvoirs, (à) procéder à des enchères privées en son cabinet, sous plis cachetés, sans aucune des garanties de l’adjudication, résultant notamment de la publicité des enchères et de la possibilité de former surenchère ».

Le jugement ayant validé le procédé est donc infirmé, et la cour d’appel autorise d’office une adjudication amiable par-devant notaire sur la base d’une mise à prix (insusceptible de baisse) de 120 000 F, soit 5 000 F de plus que l’offre la plus élevée qui avait été retenue par le juge-commissaire.

La solution de la Cour d’appel d’Orléans s’explique autant par l’absence de fondement légal de ces adjudications informelles que par leurs insuffisances techniques.

La recherche de plusieurs offres simultanées pour ne retenir que celle du mieux-disant aboutit à inventer un quatrième mode de réalisation des actifs immobiliers isolés à côté des deux formes de vente aux enchères publiques visées à l’article L. 622-16 du Code de commerce et de la vente de gré à gré.

Il n’y a donc pas de place pour une vente amiable aux enchères privées.

Faut-il rappeler que la loi sur les procédures de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises est une loi d’ordre public organisant une saisie collective dont le non-respect conduit à l’illégalité ?

Techniquement, la vente amiable aux enchères privées emprunte à l’adjudication sans en avoir les attributs.

La brièveté va de pair avec la confidentialité.

Ce dernier inconvénient a même été dénoncé en ce qui concerne la procédure de « data room » dérivée du droit anglo-saxon, pratique de réception des offres pendant un nombre de jours déterminé qui relève d’un processus précontractuel destiné à inciter des candidats présélectionnés à consentir une offre d’achat que le vendeur se réserve d’accepter ou de ne pas accepter.

L’objectif de la vente au meilleur prix est mieux assuré par la vente aux enchères en raison notamment de la publicité dont celle-ci fait l’objet.

Outre l’absence de publicité dont souffre le procédé ici condamné, la cour d’appel dénonce l’absence de faculté de surenchère.

Source : JCPN, 2002 n° 28 page 1049