C.A. GRENOBLE 2 Mars 2010

L’usufruitier-bailleur est tenu des grosses réparations de l’immeuble.

Note de M. Alexandre DELMOTTE :

Si, en principe, le bailleur est le propriétaire du bien, rien n’oblige qu’il le soit et le bail peut valablement être consenti par le titulaire d’un droit réel démembré.

C’est précisément dans ce contexte que s’est développé un litige relatif à la charge définitive des grosses réparations entre le nu-propriétaire et l’usufruitier-bailleur d’un immeuble.

Une femme, après avoir cédé la nue-propriété de son immeuble et conservé pour elle l’usufruit, a décidé de le donner en partie à bail.

À sa mort, ses ayants droit ont réclamé au nu-propriétaire, sur le fondement de l’article 605 du Code civil, le remboursement des frais qu’elle avait engagés pour la réalisation d’importants travaux de réfaction de la toiture. Cette demande ayant été accueillie en première instance, le nu-propriétaire a interjeté appel.

Par un raisonnement aussi simple que rigoureux, la Cour d’appel de Grenoble, faisant application des articles 1719 et 1720 du Code civil, infirme la décision des premiers juges.

Affirmant, en effet, qu’il incombait au bailleur d’effectuer sur l’immeuble toutes les réparations nécessaires, autres que locatives et constatant, par ailleurs, que l’usufruitière avait la qualité de bailleur, la Cour d’appel a, logiquement, mis à sa charge les grosses réparations.

Ses ayants droit ne sont donc pas fondés à demander au nu-propriétaire le remboursement des sommes engagées par leur auteur au titre de ses obligations de bailleur.

Ils ne peuvent pas davantage invoquer l’action de in rem verso dès lors que l’enrichissement du nu-propriétaire trouve sa cause dans la mise en œuvre des règles relatives au contrat de bail qui rendent l’usufruitier-bailleur seul débiteur des obligations nées de ce contrat.

Cette solution classique, s’inscrit dans la lignée des rares décisions antérieures (Cass. 3e civ., 28 juin 2006). En effet, dès lors que l’usufruitière, titulaire du fructus, percevait les fruits civils du bien, il paraissait normal qu’elle assume, en contrepartie, les charges de son exploitation.

En définitive, la situation du nu-propriétaire est plus avantageuse lorsque l’usufruitier ne jouit pas directement du bien, mais exerce son droit par l’intermédiaire d’un tiers, à titre onéreux. Dans ce cas, sa qualité de bailleur semble étouffer celle d’usufruitier et le poids des grosses réparations demeure à sa charge, soulageant ainsi le nu-propriétaire qui aurait dû les supporter en application de l’article 605 du Code civil.

Source : JCP éd. G., 38/10, 918