C.A. DOUAI 2 Octobre 2003

L’affaire « Metaleurop » est l’occasion de faire le point sur une situation encore peu soumise aux juridictions, mais qui risque d’apparaître de plus en plus fréquemment avec la fermeture d’établissements anciens, peu rentables mais polluants, ce qui entraîne l’obligation de remise en état du site d’exploitation. Peut-on parvenir à faire supporter à la société mère les conséquences financières d’une atteinte à l’environnement causée par sa filiale insolvable ?

La seule interdépendance économique des sociétés d’un groupe, dont certaines fonctions, notamment comptables ou administratives, sont centralisées afin de les optimiser ou de les harmoniser, ne peut fonder l’extension de la procédure collective ouverte à l’encontre de l’une d’elles ; il en est de même de l’identité des dirigeants.

Cependant, la mise en commun des moyens et la subordination à celui du groupe des intérêts des sociétés le composant ne doivent pas dépasser le degré d’organisation inhérent à un tel ensemble économique et les sociétés contrôlées doivent conserver la maîtrise des fonctions essentielles à leur autonomie.

Note de M. Alain LIENHARD :

En l’espèce, les mandataires de la filiale (la SAS Metaleurop Nord) ont choisi d’agir en extension de la procédure à la société mère (la SA Metaleurop), détentrice de 99 % du capital, et à une autre société sœur (la SAS MetaleuropCommercial).

S’appuyant, pour cela, sur les deux fondements prétoriens possibles à la fois : la fictivité et la confusion des patrimoines.

En vain, puisque la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Béthune devait les débouter le 11 avril 2003 par un jugement fortement motivé.

Pour les juges de première instance, pas de fictivité, dès lors, entre autres, qu’au-delà des conventions de trésorerie liant ces sociétés, la filiale avait « conservé la maîtrise de ses achats, de ses ventes et, plus généralement, de sa production« .

Pas de confusion des patrimoines, non plus, ladite convention se trouvant également absoute sur le terrain des prétendus flux financiers anormaux, de même que le compte courant d’associé, dont le Tribunal observe qu’il ne s’agissait que d’un compte de dépôt.

De prime abord, la Cour d’Appel de Douai paraît parfaitement souscrire à ce raisonnement : « c’est pertinemment que les premiers juges (…) ont relevé que la simple dépendance économique, même doublée d’une unité de direction, ne permettait pas d’établir la fictivité ni la confusion des patrimoines, ajoutant que le caractère anormal des conventions liant la SAS Metaleurop Nord et les autres sociétés du groupe n’était pas prouvé, non plus que celui de leur exécution ; (…) c’est à juste titre qu’ils ont rejeté l’argument reposant sur le non-remboursement d’un prêt accordé par la société mère, impropre, à lui seul, à fonder une extension« .

Cette position de principe des conseillers douaisiens est justifiée, sous forme de prémisse, en ces termes : « l’organisation d’un groupe de sociétés est susceptible de faire apparaître un intérêt collectif, qualifié d’intérêt de groupe, distinct de l’intérêt propre de ses composantes ; (…) le rôle d’une société mère de type holding, quelle que soit l’origine de sa construction, peut consister à exercer, régulièrement, un contrôle sur ses filiales pour assurer la cohérence économique de l’ensemble par la coordination des stratégies mises en œuvre (…)« .

Les juges du second degré n’en restent toutefois pas là.

La Cour trace la limite de principe à la soumission des filiales à l’intérêt du groupe : « la mise en commun des moyens et la subordination à celui du groupe des intérêts des sociétés le composant ne doit pas dépasser le degré d’organisation inhérent à un tel ensemble économique et les sociétés contrôlées doivent conserver la maîtrise des fonctions essentielles à leur autonomie« .

La Cour d’Appel est saisie de doutes quant au degré réel de dépendance de la société défaillante, nés d’indices faisant « apparaître que dès sa constitution la société Metaleurop Nord ne disposait pas des possibilités organisationnelles et fonctionnelles consacrant une autonomie indiscutable, et, d’autre part, que ses relations au sein du groupe ont évolué vers un renforcement de sa subordination, cette évolution ayant été facilitée par la situation initiale de la filiale« .

Si bien que, sans trancher au fond mais afin de se mettre en mesure de le faire, elle ordonne ici une mesure d’instruction.

Il appartiendra donc à l’expert commis de rechercher tous éléments permettant à la Cour de se prononcer sur la question de la fictivité de la filiale ou de l’anormalité des flux financiers entre la société mère et elle.

Source : Recueil Dalloz - Cahier Droit des Affaires - 23 Octobre 2003 page 2571