C.A. CAEN, 24 septembre 2002

En l’état d’un terrain remblayé puis vendu par lots par un lotisseur, celui-ci est non seulement responsable à l’égard de l’acquéreur du coût des travaux de fondations spéciales nécessaires pour construire l’immeuble, sans pouvoir se retrancher derrière la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans le contrat de vente en raison de sa qualité de vendeur professionnel, mais aussi à l’égard du constructeur de maisons individuelles qu’il a contraint par sa faute délictuelle à procéder, à ses frais, à une étude de sols préalable.

Note de M. Patrice CORNILLE :

Décision d’espèce, mais fort intéressante pour la solution qu’elle propose à un problème pratique très fréquent.

Les maires ont désormais une sainte frousse des inondations.

Aussi bien et au nom du « principe de précaution », parfois nébuleux, imposent-ils désormais souvent aux lotisseurs dans les secteurs sensibles de remblayer le terrain loti avant commercialisation des lots.

Le but est tout simplement de surélever les maisons, afin d’éviter qu’elles soient inondées.

Mais en procédant ainsi, le lotisseur fragilise le sol naturel avant travaux, ce qui peut rendre indispensables des fondations spéciales entraînant un surcoût important et incompatible avec les finances de l’accédant maître de l’ouvrage.

Dans ce contexte, où les budgets sont étroits, se pose inévitablement un jour la question de savoir qui doit supporter les frais d’études du sol.

On sait que les constructeurs de maisons individuelles ont toujours eu des difficultés avec les études préalables du terrain, qu’ils ne sont pas absolument tenus de réaliser (ce que confirme la présente décision) mais qu’ils ne peuvent pas non plus faire payer au maître de l’ouvrage, s’ils les réalisent.

L’article R. 231-5 du Code de la construction et de l’habitation précise en effet que le prix inclut les frais d’étude du terrain pour l’implantation du bâtiment.

Dans la décision commentée, la question principale était donc de savoir si, conformément aux règles ci-dessus, le constructeur doit conserver à sa charge les frais d’études qu’il a dû réaliser pour édifier la maison alors que le terrain dépend d’un lotissement remblayé par le vendeur.

La Cour de Caen juge clairement que le constructeur peut se faire rembourser ses frais d’études par le lotisseur car, à l’égard du constructeur, ce dernier a commis une faute délictuelle en vendant au maître de l’ouvrage un terrain nécessitant des fondations spéciales, ce qui constitue un vice caché.

Les lotisseurs retiendront que vendre des lots à bâtir sans révéler qu’ils sont issus d’un terrain remblayé peut constituer non seulement un vice caché à l’égard de l’acquéreur mais aussi une cause de responsabilité délictuelle à l’égard du constructeur de maisons qui prend leur suite.

Source : CONSTRUCTION-URBANISME, Janvier 2003, page 20