La notion d’habitation bourgeoise du cahier des charges est incompatible avec un bâtiment de plusieurs étages et logements collectifs.
Note de M. Daniel SIZAIRE :
Le Tribunal de Grande Instance de Lisieux, par jugement du 7 mai 1974, avait dit et jugé :
« Que la SCI Hippocampe, en édifiant un immeuble collectif sur les lots 14 et 15 du lotissement … a méconnu les règles édictées par le cahier des charges ».
Ledit jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel de Caen du 7 mai 1976 qui évoque le jugement du Tribunal de Grande Instance de 1974 en précisant :
« Au soutien de cette décision, le tribunal a considéré notamment qu’aux termes du cahier des charges du lotissement… ne devait être construit que des habitations individuelles bourgeoises et non un immense bâtiment de plusieurs étages avec logements collectifs… ». A l’issue d’une nouvelle procédure l’arrêt de la Cour d’appel confirme cette position.
Il y a là dénaturation des termes du cahier des charges, alors qu’il ressort du jugement que celui-ci, qui ne se réfère pas à des maisons individuelles, n’exclut pas une construction avec logements collectifs, ce qui résulte à l’évidence de la même disposition du même cahier des charges qui, s’agissant des « habitations bourgeoises », précise que « ces constructions pourront atteindre la hauteur de 15 mètres du sol au faîtage ».
Manifestement, le cahier des charges n’impose pas la construction d’habitations individuelles alors qu’il fait état de constructions qui ne devront pas dépasser la hauteur de 15 mètres du sol au faîtage.
Une telle hauteur ne s’applique qu’aux constructions comportant plusieurs étages, sans compter un niveau sous toiture. De telles constructions peuvent réunir des « logements » collectifs.
La référence « habitations bourgeoises » incluse dans le cahier des charges constituait une formule de style – particulièrement à l’époque de la rédaction du cahier des charges – et aujourd’hui encore, la clause est essentiellement entendue comme la distinction entre l’usage d’habitation et celui professionnel ou commercial.
La Cour d’appel va plus loin, considérant :
« Cette notation (habitation bourgeoise) implique une exigence de confort, d’aisance, de tranquillité et d’indépendance empreinte d’un certain individualisme, le tout en harmonie avec le milieu existant, qu’il s’agisse du cadre naturel ou du parti constructif environnant ».
Et la Cour d’appel en tire cette conséquence que : « sans aller jusqu’à la prohibition de toute construction qui ne serait pas une maison individuelle, il apparaît que la prescription contenue dans la stipulation précitée est incompatible avec le projet de la SCI Hippocampe qui comprend d’un seul tenant un immeuble de 18 logements… ».
Il y a là une dénaturation. L’arrêt de la Cour d’Appel de Caen, comme le jugement antérieur qu’il confirme, passent sous silence le fond du problème.
Les demandeurs étaient manifestement intéressés par une vue sur mer. Comme l’expose la Cour, on se trouve dans un « site littoral » et « à proximité immédiate de la plage« .
Or cette vue sur mer ne semble pas avoir été protégée ni citée par le cahier des charges en cause, sinon l’arrêt en aurait fait le plus grand cas.
Cette protection d’une vue ne pouvait pas non plus être implicitement inscrite dans un document qui ne la prévoyait pas. Sur ce point, la Cour de cassation vient de rendre un arrêt péremptoire, à propos d’un lotissement (Cass. 3e civ. 8juin 2004) : lequel autorisant des « villas individuelles« , sans autre précision, tout acquéreur de lot devait s’attendre à être privé d’une vue sur mer.
Que dire d’un cahier des charges qui, dans la présente espèce, autorise des bâtiments de 15 mètres de hauteur ?