Du droit de vote du nu-propriétaire de parts sociales.
Note de Mme Marie-Laure COQUELET :
Cet arrêt de la Cour d’appel de Caen contribue à relancer le débat de l’attribution de l’exercice de droit de vote attaché aux parts sociales ou actions démembrées.
L’article 1844, alinéa 4, du Code civil autorise les statuts à déroger au principe formulé par le troisième alinéa de ce texte selon lequel : « Si une part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices où il est réservé à l’usufruitier« .
La liberté offerte aux rédacteurs des statuts est cependant loin d’être totale, en ce qu’il est nécessaire de composer avec les principes gouvernant le droit des biens.
Le nu-propriétaire ne peut être investi du droit de voter les décisions concernant les bénéfices au motif que le droit de jouir de la chose grevée d’un usufruit et d’en percevoir les fruits constitue, au regard de l’article 578 du Code civil, un droit irréductible de l’usufruitier, et par conséquent intangible (Cass. com., 31 mars 2004).
En revanche, il est à l’inverse acquis qu’aucune disposition du droit des biens (notamment C. civ., art. 578) ou du droit des sociétés (particulièrement C. civ., art. 1844, al. 1er) n’interdit de « dépouiller » statutairement le nu-propriétaire de l’exercice de son droit de vote dès lors qu’il n’est pas dérogé à son droit de participer aux décisions collectives (Cass. com., 22 févr. 2005 – Cass. 2e civ., 13 juill. 2005).
En cas de démembrement de propriété, le minimum incontournable est pour l’usufruitier celui de voter l’affectation des bénéfices et pour le nu-propriétaire le droit de participer aux décisions collectives.
Or, à rebours de ce dernier principe, la Cour d’appel de Caen affirme que la liberté offerte par l’article 1844 « ne saurait porter atteinte au droit de propriété prévu par l’article 544 du Code civil, au-delà des prévisions de l’article 578 du même Code, selon lesquelles « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge de conserver la substance« ».
Et, de conclure, au cas d’espèce à la nullité de l’absorption votée par l’usufruitier en vertu de la clause lui attribuant l’exercice du droit de vote.
Pareille clause méconnaissant aux yeux des juges caennais « les prérogatives essentielles de la propriété et de l’usufruit« .