C.A. BORDEAUX 20 Février 2012

Responsabilité d’une banque ayant incité à un investissement locatif périlleux.

Une banque avait proposé à des époux un investissement locatif assorti d’un avantage fiscal (amortissement Robien).

Elle les avait mis en relation avec un promoteur auprès duquel ils avaient acheté un appartement sur plan en 2005 tandis que la banque leur accordait un prêt à taux variable pour financer l’achat.

L’appartement avait été livré avec quatre mois de retard, sans que les parties communes, dont le parking, soient terminées.

Les époux avaient rejeté la seule proposition de location qui leur avait été faite car le loyer était très inférieur aux échéances de remboursement du prêt.

N’ayant pu louer l’appartement dans un délai de douze mois à compter de la livraison, les époux avaient perdu le bénéfice du régime fiscal de faveur et ils avaient dû revendre l’appartement à perte.

Ils avaient mis en cause la responsabilité de la banque.

Jugé que la banque avait en effet manqué à son devoir de conseil en favorisant la souscription de ce placement présentant manifestement un caractère inadapté, voire périlleux, pour les époux :

– la banque était intervenue pour proposer et personnaliser un investissement à risques relevant de l’application de textes complexes et d’une connaissance du marché de l’immobilier dont les époux n’étaient pas pourvus dès lors qu’ils ne pouvaient pas être assimilés à des emprunteurs avertis ;

– certes, la souscription devait intervenir sur la base d’une étude personnalisée réalisée par le seul promoteur en fonction de la situation des époux qui bénéficiaient de deux parts fiscales et demie seulement à l’époque de la souscription ; selon cette étude, l’avantage fiscal devait être de l’ordre de 2.000 € par an à compte de l’année 2007, alors qu’un tel investissement n’est réputé avantageux que pour les foyers versant plus de 2.500 € d’impôt sur le revenu ; néanmoins, la banque, intervenue dans le cadre d’un tel placement qu’elle avait manifestement conseillé, était tenue d’un devoir de conseil et d’information incluant son assistance dans la lecture des documents afin d’assurer une complète compréhension des enjeux de l’opération qui impliquait la souscription d’un emprunt ; ce dernier devait être essentiellement remboursé grâce aux loyers de l’appartement ; le montant et le caractère effectif du règlement du loyer devenaient de ce fait un élément clef du montage alors qu’ils revêtaient un caractère aléatoire, caractère d’autant plus affirmé en l’espèce pour un appartement acheté en l’état futur d’achèvement et dont la livraison avait été retardée.

La banque avait également manqué à son devoir de mettre en garde ses clients sur la souscription d’un prêt à taux variable dans le contexte d’une telle opération qui en accentuait les risques avec une durée de remboursement de vingt ans, alors que les charges de copropriété et les charges fiscales du couple étaient également susceptibles d’évoluer.

Source : BRDA, 13/12, page 9