C.A. AIX-EN-PROVENCE 5 Février 2013

Mise en œuvre d’une clause résolutoire pour non-respect de la clause interdisant l’édification par le preneur de constructions nouvelles en cours de bail sans l’autorisation du bailleur.

Note de M. Matthieu POUMARÈDE :

Par acte notarié du 12 décembre 1997, des époux (le bailleur) ont donné à bail à construction à une SCI (le preneur) un terrain pour une durée de 30 ans à compter du 1er janvier 1998.

Conformément aux termes du contrat, un supermarché a été édifié sur le terrain.

Par la suite, au cours de l’année 2006, le preneur a procédé à des travaux d’extension de la surface de vente en la portant de 1.123 m2 à 1.800 m2.

Le 23 janvier 2007, le bailleur, estimant que les travaux réalisés n’étaient pas conformes à ceux prévus au bail, a notifié au preneur un commandement visant la clause résolutoire et enjoignant au preneur « de cesser les travaux et remettre le terrain en l’état convenu, c’est-à-dire, supportant les seules constructions autorisées par le bail dans le délai d’un mois à défaut de quoi il sera fait application de la faculté de résiliation contenue au bail« .

Il était reproché au preneur d’avoir procédé à des constructions nouvelles en cours de bail en méconnaissance de la clause selon laquelle « le preneur édifiera ou fera édifier à ses frais, sur le terrain sus-désigné, des constructions conformes aux plans annexés au contrat. Il soumettra au bailleur les devis descriptifs afférents à ces constructions.

Le preneur poursuivra l’édification desdites constructions jusqu’à leur complet achèvement ainsi que les éléments d’infrastructures ou d’équipement pouvant être nécessaires à la desserte et, d’une manière générale, à l’exploitation commerciale du centre projeté.

Les constructions devront être édifiées conformément aux règles de l’art, auxdits plans et devis qui seront présentés au bailleur, aux prescriptions réglementaires et aux obligations résultant du permis de construire « .

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 5 décembre 2007, a validé ce type de clause en décidant que « les articles L. 251-1 à L. 251-9 du Code de la construction et de l’habitation […] ne prohibent pas l’insertion dans [le bail à construction] d’une clause particulière subordonnant à l’autorisation du bailleur l’édification par le preneur de constructions nouvelles en cours de bail« .

Cette solution, reprise par l’arrêt d’appel, au motif du caractère en principe supplétif des dispositions régissant le bail à construction, permet donc au bailleur d’exercer un réel contrôle, au cours de la vie du bail, sur les constructions édifiées par le preneur, puisqu’il peut s’y opposer, tout comme il peut s’opposer à toute modification de la destination des constructions si le bail a prévu une clause « imposant des restrictions à l’activité du preneur« .

Ainsi, il est admis que le droit réel immobilier du preneur (CCH, art. L. 251-3) supporte des restrictions conventionnelles. Reste toutefois à savoir quelles sont les limites, s’il en existe, à la liberté contractuelle des parties. En d’autres termes, jusqu’où peuvent-elles aménager le « modèle » offert par la loi ?

De ce point de vue, il semble que, outre les quelques dispositions d’ordre public énoncées par l’article L. 251-8 du Code de la construction et réservées en l’espèce par la Cour d’appel, il existe une limite infranchissable : l’existence d’un droit réel de superficie au profit du preneur.

En effet, un bail à construction qui exclurait ce droit, permettant au preneur « à la fois d’utiliser le sol pour construire et d’appuyer sur la surface les constructions réalisées« , devrait être disqualifié en bail ordinaire.

L’on peut alors s’interroger sur le point de savoir si ces clauses restreignant la liberté du preneur ne seraient pas de nature à remettre en cause son droit réel de superficie.

Manifestement, en cassant, par sa décision du 5 décembre 2007, un arrêt ayant décidé que la clause soumettant à l’autorisation du bailleur l’édification par le preneur de nouvelles constructions était contraire à l’essence du droit réel immobilier du preneur, la troisième chambre civile ne le pense pas.

Source : RDI, 6/13, page 322