Si une demande de permis de construire porte sur un immeuble en copropriété et que l’autorité compétente en est informée, en l’état du projet, elle doit exiger la production des autorisations auxquelles la loi, complétée par les stipulations du règlement de copropriété, subordonne l’exercice du droit de construire de chaque propriétaire.
Note de M. Philippe BILLET :
L’autorité administrative doit, sur le fondement de la théorie dite « du propriétaire apparent« , réputer « propriétaire » au sens de l’article R. 421-1 du Code de l’urbanisme, tout pétitionnaire qui dépose une demande de permis de construire (CE, 20 oct. 1971), sans pouvoir exiger la production de preuves de cette propriété et moins encore refuser ce permis au prétexte qu’il y aurait contestation du titre de propriété du pétitionnaire (CE, 17 oct. 1973).
La principale difficulté qui se présente aux services instructeurs en effet, liée à cette séparation, est que la liste des pièces à joindre à l’appui de la demande de permis de construire limitativement énumérée par l’article R. 421-2 du Code de l’urbanisme ne comprend pas de justification de la qualité de propriétaire.
L’administration doit donc se contenter de la déclaration mentionnée dans le formulaire de demande de permis de construire.
La théorie de l’apparence lui évite ainsi d’exiger d’autres pièces que celles qui sont réglementairement prévues et de refuser l’instruction de la demande à défaut de production de celles-ci, ce qu’elle ne saurait faire sans commettre d’erreur de droit (CAA Marseille, 30 mars 2000).
Il n’y a guère que lorsque la demande émane d’une personne qui n’est pas propriétaire, mais mandataire de celui-ci qu’elle peut exiger la jonction du mandat (CE, 27 janv. 1989) ou lorsqu’elle émane d’une personne non propriétaire « justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain » : la justification imposée par l’article R. 421-1-1 lui permet certainement d’exiger qu’une telle preuve soit jointe à la demande.
Dans ces deux cas cependant, elle peut pas plus que précédemment « s’immiscer dans un litige d’ordre privé susceptible de s’élever entre particuliers« .
« Elle ne peut ni trancher ni se fonder sur son existence pour refuser d’examiner la demande qui lui est présentée » (CE, 20 oct. 1965).
La présomption n’est pas irréfragable cependant et l’apparence doit céder face au doute : l’apparence n’a en effet de raison d’être que si elle donne la certitude que celui qui présente la demande est effectivement titré pour ce faire, qu’il soit propriétaire, mandataire ou autorisé à un titre ou à un autre.
L’apparence peut ainsi tomber en raison « des erreurs et des lacunes d’une importance telle que l’administration ne pouvait légitimement regarder (le pétitionnaire) comme le propriétaire de l’ensemble des terrains nécessaires à la réalisation des constructions projetées » (CE, 6 nov. 1981).
Il en va de même lorsqu’il existe « une contestation sérieuse sur le droit de propriété des parcelles« , la commune ayant été informée, dans les circonstances de l’espèce, que le pétitionnaire ne pouvait être regardé comme le mandataire d’une indivision : « alors qu’il existait une contestation sérieuse sur le droit de propriété des parcelles, le maire… ne pouvait que constater, sans avoir à s’immiscer dans un litige de droit privé, que la pétitionnaire n’avait pas justifié d’un titre l’habilitant à construire, et était légalement tenu de refuser le permis de construire sollicité » (CAA Nancy, 11 mai 2000).
Egalement, lorsque le maire « ne pouvait ignorer« , notamment en raison de correspondances échangées avec le conseil du véritable propriétaire, que le pétitionnaire ne disposait pas de titre l’habilitant à construire (CE, 4 oct. 1989, Bouquet).
C’est ce défaut d’ignorance de la situation juridique du bien qui, dans cet arrêt Commune de Bures-sur-Yvette, ruinait l’apparence donnée par la seule demande de permis : le maire « n’ignorait pas, à la date à laquelle il a accordé le permis de construire litigieux, que le projet portait sur un immeuble en copropriété« .
L’arrêt rendu le 8 avril 2004 par la Cour Administrative d’Appel de Paris est pleinement justifié dans ses termes, la combinaison du régime de la demande du permis de construire et du droit de la copropriété imposant au maire de vérifier l’effectivité des droits que le pétitionnaire prétend mettre en œuvre et exiger, pour ce faire, la production de l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires et du règlement de copropriété qui fondent ses droits à construire.
Si la Cour, en l’espèce, fait grief au maire de ne pas avoir sollicité « les stipulations du règlement de copropriété« , c’est parce que l’article 25b) précise que les travaux en cause doivent être conformes à la destination de l’immeuble, réglée par ces stipulations (CE, 28 juill. 1993).
Dans ces conditions, le maire ne pouvait se satisfaire « d’une simple attestation signée du syndic de la copropriété » indiquant que l’assemblée générale des copropriétaires avait donné son accord au projet à l’unanimité, d’autant moins que le syndic en question n’était autre que le pétitionnaire lui-même.
Dès lors qu’un propriétaire a demandé l’autorisation d’entreprendre des travaux concernant les parties communes d’un immeuble placé sous le régime de la copropriété et que le dossier de demande comporte le procès-verbal des assemblées générales au cours desquelles les copropriétaires ont pris parti sur ce projet, le permis de construire doit faire l’objet d’une notification au syndicat des copropriétaires de cet immeuble pris en la personne de son syndic, à peine d’inopposabilité du délai de recours contentieux à son égard.
La circonstance que les procès-verbaux des assemblées générales de ce syndicat ainsi qu’une lettre du syndic adressée à l’administration feraient mention de l’existence de ce permis de construire ne saurait tenir lieu d’une notification complète et régulière rendant l’expiration du délai contentieux opposable au syndic (CE, 6 juin 1986).