Le redevable de la TVA immobilière selon le droit communautaire.
Estimant ne pas pouvoir l’interpréter de telle sorte que puisse être évitée cette incompatibilité, la Cour Administrative d’Appel de Paris, dans une décision du 15 décembre 2004, écarte la règle de droit interne selon laquelle l’acquéreur de l’immeuble est, dans une certaine hypothèse, le redevable légal de la TVA immobilière, comme non conforme à la 6e directive européenne.
Une société anonyme exerçant l’activité de marchand de biens avait en 1987 promis de vendre à une Société Immobilière pour le Commerce et l’Industrie (SICOMI) un immeuble situé dans le 17e arrondissement de Paris, qu’elle avait acheté le jour même.
Trois ans plus tard, cette SICOMI avait elle-même promis de céder à une tierce société les droits, relatifs au bénéfice de la vente de l’immeuble, qu’elle détenait par suite de la promesse qui lui avait été consentie par la société anonyme.
Enfin, à la fin de l’année 1990, cette société tierce, bouclant la boucle, avait, abandonnant ses droits, cédé à cette même société anonyme le bénéfice de la promesse de 1987, en lui facturant, le jour de cette cession, une somme de 94.880.000 F TTC pour prix de la vente, et, le lendemain, une somme de 26.922.200 F TTC à titre d’honoraires de négociation, d’une part, sur la promesse de vente et, d’autre part, sur la cession de l’immeuble, réalisée quelques jours auparavant par la société anonyme.
Cette dernière avait réclamé aux services fiscaux le remboursement d’un crédit de TVA déductible non imputable de 19.102.200 F, correspondant au total de la taxe portée sur les deux factures susmentionnées.
L’Administration fiscale avait rejeté cette prétention au motif que la demanderesse, n’étant pas l’acheteuse mais la cédante, n’était pas la redevable de la taxe due à raison de la vente de l’immeuble, et qu’elle ne pouvait par suite pas déduire la TVA d’amont.
Saisi du litige par l’intéressée, le Tribunal Administratif de Paris avait refusé de faire droit à sa demande tendant à obtenir néanmoins ce remboursement.
La Cour Administrative d’Appel de Paris a censuré partiellement cette solution de rejet.
Il n’y avait certainement rien à redire à la position adoptée par les premiers juges relativement à l’application à l’espèce des règles du droit fiscal interne. Selon le Code Général des Impôts, en effet, pour les opérations soumises à la taxe parce que concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, la TVA est due par l’acquéreur dès lors que la mutation porte sur un immeuble qui, antérieurement à son intervention, n’entrait pas dans le champ d’application de cette TVA immobilière.
Or c’était bien le cas de figure du dossier : la société avait certes acheté l’immeuble en 1987 sous le régime fiscal réservé aux marchands de biens et l’avait revendu en l’état, mais l’acheteur s’était engagé à procéder à une opération de transformation équivalant à la production d’un immeuble neuf ; la vente de l’immeuble constituait donc bien une opération imposable à la TVA immobilière, sans que le bien ait jamais été placé, quand bien même la société avait obtenu un permis de construire, dans son champ d’application.
Seul l’acquéreur du bien était donc, selon les règles fiscales nationales, le redevable légal de la taxe.
Mais devant la Cour Administrative d’Appel, la société contribuable avançait à nouveau, comme elle l’avait vainement fait en première instance, ceux des termes de la 6e directive du Conseil des Communautés Européennes, concernant l’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, qui posent les principes selon lesquels la TVA est due, en régime intérieur, par l’assujetti effectuant une opération imposable et ledit assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable la taxe due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou seront livrés et pour les services qui lui sont ou seront rendus par un autre assujetti.
Ce fut cette fois avec succès.
La Cour décide, en effet, que les dispositions du Code Général des Impôts désignant dans certains cas l’acheteur d’un immeuble comme redevable de la TVA due à raison de la vente dudit immeuble, au lieu du vendeur de celui-ci, sont incompatibles avec les dispositions de la 6e directive qui ne prévoient pas cette exception à la règle selon laquelle le redevable de la taxe est l’assujetti qui effectue l’opération imposable.
Elle en déduit que la société requérante était le seul redevable de la taxe due à raison de l’opération de vente réalisée par elle, pour conclure que c’est à tort que l’Administration avait refusé à l’intéressée de lui rembourser la taxe ayant grevé certains éléments du prix de cette opération au motif que seul l’acheteur aurait été redevable de la taxe applicable à cette dernière.
Il n’a tenu qu’à ceci que l’arrêt n’aboutisse pas à donner par conséquent entière satisfaction à la demande de la contribuable : la Cour a jugé que le ministre était fondé à soutenir que la promesse de vente initialement consentie par cette dernière à la SICOMI, dès lors que l’objet de la cession était insuffisamment déterminé, était, faute d’accord sur la chose, nulle.
Or un redevable ne peut déduire la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services.
L’Administration était donc, en toute hypothèse, même une fois la requérante correctement désignée comme la seule redevable, fondée à lui refuser la déduction de la taxe ayant grevé l’acquisition de droits prétendument détenus sur la vente de l’immeuble par la société tierce lui ayant cédé en 1990 le bénéfice de cette promesse.
L’appelante ne s’est donc vu finalement accorder le remboursement qu’elle sollicitait qu’à hauteur du montant de la taxe afférente aux honoraires de négociation, et le surplus de ses conclusions a été rejeté.