C.A.A. MARSEILLE, 8 février 2001

Est irrecevable, faute d’intérêt à agir, la demande en annulation d’un permis de construire modificatif formée par un architecte qui se prévaut de sa qualité au motif que l’autorisation attaquée porterait atteinte à ses droits patrimoniaux tels qu’ils sont consacrés par le Code de la propriété intellectuelle.

Note de M. Nicolas ROUSSEAU :

L’architecte qui a élaboré les plans d’un projet de construction autorisé a-t-il intérêt à agir en annulation d’un permis de construire modificatif au seul motif que l’arrêté litigieux porterait atteinte à ses droits d’auteur ? C’est à cette question que les conseillers de la Cour administrative d’appel de MARSEILLE répondent par la négative.

L’architecte prétendait qu’autoriser la construction du projet modifié porte une atteinte à ses droits patrimoniaux sur l’œuvre originale que constituent les plans du projet initial modifié et dont il est propriétaire. Délivrer le permis de construire revient donc à permettre l’édification d’une construction dont les plans ont été élaborés en violation du droit d’auteur dont est titulaire l’homme de l’art. L’argument est écarté par les juges du second degré au motif que :

« les droits (…) invoqués ne confèrent pas à (…) [l’architecte] un quelconque intérêt lui donnant qualité pour contester l’arrêté litigieux (…). »

Pourtant, l’architecte aurait de toute évidence avantage à obtenir l’annulation d’une décision dont la mise en œuvre a pour effet de matérialiser l’atteinte à ses droits d’auteur. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par les conseillers de la cour administrative d’appel. Mais considérer une telle demande comme recevable obligerait les juges administratifs à vérifier la réalité de l’atteinte. S’il est aisé pour eux d’apprécier la proximité du terrain où habite le requérant par rapport au terrain d’assiette du projet de construction litigieux, il leur est cependant impossible d’apprécier la violation d’un droit purement privé consacré par le Code de la propriété intellectuelle sauf à gommer de l’ordonnancement juridique le fameux principe de séparation des ordres administratifs et judiciaires.
…/… 

Dans notre affaire, les conseillers rappellent fermement que le seul moyen pour notre architecte d’être recevable est de démontrer qu’il réside à proximité de la construction projetée. Pour le reste, on en déduit que c’est au juge judiciaire de déterminer et de sanctionner l’atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur de l’œuvre. On peut d’ailleurs se demander s’il se bornerait à allouer à la victime des dommages et intérêts ou si, dans certaines circonstances, il pourrait aller jusqu’à ordonner la démolition de la construction.

Source : Construction-Urbanisme, décembre 2001 page 25