C.A.A. LYON 5 Février 2002

La décision de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 5 Février 2002 illustre une solution jurisprudentielle assez rare, initiée par le Conseil d’Etat, quant à la désignation du débiteur de l’obligation de remise en état d’une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE).

En effet, en application de la loi du 19 Juillet 1976 relative aux ICPE, la remise en état pèse sur le dernier exploitant de l’installation (CE 11 avr. 1986).

Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, « l’obligation de remettre en état le site de l’installation pèse sur l’exploitant, à moins qu’il n’ait cédé son installation et que le cessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d’exploitant » (CE 8 sept. 1997). Dans cette dernière affaire, un tiers, non officiellement déclaré auprès de l’Administration, avait effectivement exploité le site.

C’est dire que c’est au premier chef sur le dernier exploitant en titre que pèse l’obligation de remise en état. En ce sens, la qualité d’exploitant est appréciée in abstracto par le Conseil d’Etat qui privilégie le titre d’autorisation sur l’exploitation de fait.

Et pour cette raison, l’obligation de remise en état est certes transmissible, mais l’exploitant en titre n’en dispose pas : les conventions et clauses contractuelles qui voient l’exploitant en titre mettre à la charge d’autrui la remise en état ou qui conduisent un tiers à avoir des activités polluantes sur le site ne sont pas opposables à l’Administration.

Néanmoins, dans un autre arrêt (CE 21 févr. 1997), le Conseil d’Etat a concédé une exception à la mise en cause du dernier exploitant en titre, pour sembler conférer des effets de droits à l’exploitation de fait : c’est l’hypothèse de la substitution d’un nouvel exploitant par la vente de la totalité du fonds de commerce et la passation d’un bail portant sur la totalité des immeubles afin de lui permettre d’exploiter l’usine, quand bien même la déclaration de reprise n’aurait pas été faite à l’administration – ce que relevait expressément la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux dans un arrêt du 30 juin 1994 sans pour autant être censurée par le juge de cassation.

La Cour Administrative d’Appel de Paris a décliné la solution dégagée par le Conseil d’Etat (CAA Paris, 23 Mai 2001), tout comme la Cour Administrative d’Appel de Lyon le fait ici en présence du recours d’un exploitant de fait qui, succédant à l’exploitant initial, n’avait pas, semble-t-il, déclaré la reprise d’activité dans le mois suivant le changement d’exploitant (D. 21 Sept. 1977, art. 34).

Cette nouvelle illustration jurisprudentielle de l’exploitation de fait permet, cependant, d’insister sur les deux conditions exigées pour sa reconnaissance : d’abord, la Cour relève la cession d’un fond de commerce qui consiste en une activité classée ; d’autre part, la Cour constate que les immeubles d’exploitation de l’ancien exploitant ont été donnés à bail à celui qui sera finalement qualifié d’exploitant de fait ou du moins qu’ils étaient à sa disposition et effectivement exploités par lui selon ses propres dires.

Source : Environnement, Octobre 2003, page 15