Défaut de qualité pour présenter une demande de permis de construire.
Note de M. Olivier CHAMBORD :
La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a considéré « qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des documents produits par la requérante elle-même (qui n’était pas pétitionnaire) que depuis le 20 novembre 1994, date à laquelle elle a cédé à la société A. le droit réel immobilier qu’elle détenait sur le terrain en cause en vertu du bail emphytéotique passé avec l’Etat, Mme X n’était plus titulaire d’aucun droit réel immobilier qui lui aurait donné qualité pour solliciter un permis de construire sur ce terrain« .
Quid du maintien de cette solution suite à la réforme des autorisations d’urbanisme ? En effet, le nouvel article R. 423-1 du Code de l’urbanisme supprime l’obligation jusqu’alors faite au pétitionnaire de justifier de sa qualité pour solliciter une autorisation ou déposer une déclaration.
La justification du titre habilitant à construire disparaît au profit d’une attestation du pétitionnaire qu’il est habilité par le ou les propriétaires à exécuter les travaux, hormis l’hypothèse où ces travaux portent sur une dépendance du domaine public (C. urb., art. R. 431-1).
Corrélativement, l’article R. 431-5 du même code relatif à la demande de permis de construire dispense le pétitionnaire de produire des pièces justificatives à cet égard.
La demande de permis précise simplement l’identité du ou des demandeurs ; elle comporte l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 ; le nom du propriétaire du terrain n’est plus mentionné. Mais en dehors d’un changement sémantique, est-ce que le droit applicable a réellement changé ?
Il résulte des dispositions du nouvel article R. 423-1 que, même si le service instructeur n’a pas à s’immiscer dans des litiges d’ordre privé, la jurisprudence relative à la théorie du « propriétaire apparent » continuera de s’appliquer, lorsque le demandeur prétendra être propriétaire du terrain et que cette qualité fera l’objet d’une contestation sérieuse.
Il devrait en être de même de l’attestation du ou des demandeurs remplissant les conditions définies à l’article R. 423-1, dès lors que l’Administration à connaissance que cette attestation fait l’objet d’une contestation sérieuse : de la part du propriétaire si le demandeur est locataire, si les délais de la promesse de vente sont expirés, des copropriétaires s’ils n’ont pas donné leur autorisation, etc. et si cette attestation est constitutive d’une fraude.
Les nouvelles dispositions déportent en réalité le débat sur la contestation sérieuse de l’attestation produite par le pétitionnaire.
Quelle incidence le nouveau dispositif pourra avoir sur la « théorie de la fraude » lorsqu’il s’avérera qu’en réalité, l’attestation du pétitionnaire était fausse ? Doit-on considérer qu’en cas de fausse attestation, la décision obtenue pourra être retirée pour fraude sans condition de délai ? Ou au contraire juger que, dans la mesure où la réforme vise à un renforcement de la « théorie de l’apparence » pour faire basculer dans le contentieux judiciaire ce type de contestations, la déclaration inexacte ou mensongère ne devrait plus avoir d’influence sur la légalité d’un permis de construire ?