Ne peut être regardée comme établissant l’existence d’un projet d’aménagement suffisamment précis et certain pour justifier la décision de préemption dans le but de créer des commerces de proximité, la commune qui se borne à se référer à un compte-rendu dépourvu de date certaine d’une réunion de travail et à la profession de foi distribuée par le maire dans le cadre de la campagne électorale.
Note de M. Jean-Pierre MAUBLANC :
La commune avait exercé son droit de préemption sur une parcelle dans le but de créer des commerces de proximité.
Cependant, les conditions fondamentales de l’exercice de ce droit, définies par l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme, faisaient défaut.
En premier lieu, toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé, objet visant la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations d’aménagement énumérées par l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.
Si cette disposition inclut, parmi les opérations d’aménagement, l’extension ou l’accueil des activités économiques, un sérieux effort d’interprétation est nécessaire pour ranger dans cet objet la création de commerces de proximité (excepté dans le cas d’un besoin public local avéré, dans les petites communes rurales ou situées en zones de montagne, une commune ne peut créer des commerces de proximité).
En second, la jurisprudence exige que la décision de préemption soit suffisamment motivée.
Usant d’une formulation déjà utilisée par le Conseil d’Etat (CE, 22 avr. 2005), la Cour de Bordeaux rappelle que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain ne peuvent décider de mettre en œuvre ce droit que si elles justifient de l’existence, à la date à laquelle elles l’exercent, d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement suffisamment certain et élaboré.
La Cour rappelle aussi que le projet doit être précisément défini dans la décision de préemption.
La commune se référait à un compte-rendu de travail qui aurait eu lieu entre le maire et deux adjoints six mois avant la délibération de préemption contestée, ainsi qu’à la profession de foi électorale du maire antérieure à ladite réunion de travail.
C’est donc sans difficulté que la Cour a jugé que la délibération attaquée ne peut être regardée comme établissant l’existence d’un projet d’aménagement suffisamment précis et certain pour justifier la décision de préemption litigieuse.
Pour rappel, l’absence de motivation ne peut être régularisée ; en outre, si l’illégalité résulte d’une décision juridictionnelle, le titulaire du droit de préemption ne peut plus l’exercer sur le bien en cause pendant un an à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive (C. urb., art. 213-8, dernier alinéa).