Commentaire de M. Gabriel ROUJOU de BOUBEE :
L’article 60 de la loi Urbanisme et Habitat du 3 Juillet 2003 est susceptible d’entraîner des sanctions pénales à l’encontre de toutes les personnes morales qui, à des titres divers, procèdent à des travaux de construction de bâtiments nouveaux ou à des travaux sur des bâtiments existants : non seulement celles qui sont appelées à être bénéficiaires des travaux (sans oublier les syndicats de copropriétaires) mais également celles qui exécutent ces mêmes travaux, il convient, en effet, de faire application ici de l’alinéa 2 de l’article L. 480-4 du Code de l’Urbanisme qui définit les catégories de responsables.
Le Code Pénal de 1992 (entré en vigueur le 1er mars 1994) a introduit dans notre système répressif la responsabilité pénale des personnes morales. Mais celle-ci obéit à un principe de spécialité en ce sens qu’elle suppose, pour une incrimination donnée, une disposition expresse du législateur étendant le champ d’application de cette incrimination aux personnes morales. Semblable disposition se trouve fréquemment dans le Code Pénal lui-même et, de plus en plus souvent, dans des textes plus particuliers. Elle se retrouve désormais dans le Code de l’Urbanisme dans un article L. 480-4-1 nouveau.
Les cas de responsabilité pénale
– infractions définies à l’article L. 160-1 : manquements aux dispositions des divers documents d’urbanisme, notamment des plans locaux d’urbanisme ; exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance des obligations découlant des règles générales d’urbanisme (art. L. 11-4 et s.)
– infractions établies par les articles L. 316-2, L. 316-3 et L. 316-4 en matière de lotissement : location ou vente ou promesse de location ou de vente en l’absence des autorisations requises ;
– infraction prévue par l’article L. 430-4-2 : manquement aux obligations imposées lorsqu’un permis de démolir porte sur un immeuble support d’une plaque commémorative ;
– infraction visée par l’article L. 480-3 : continuation des travaux nonobstant une décision d’interruption ;
– incrimination générale de l’article L. 480-4 : défaut de permis de construire, construction en méconnaissance des dispositions du permis accordé ;
– infraction établie par l’article L. 480-12 : obstacle à l’exercice du droit de visite organisé par l’article L. 460-1 au profit de certaines autorités (préfet et maire) ;
– infraction définie par l’article L. 510-2 : il s’agit du défaut d’agrément prévu par l’article L. 510-1 pour les travaux concernant certains locaux tels ceux servant à des activités industrielles, commerciales, professionnelles, etc… ne relevant pas de l’Etat ou de son contrôle.
Les conditions de la responsabilité
Conformément au droit commun de l’article 121-2 du Code Pénal, elles sont nombre de deux :
a) une infraction commise pour le compte de la personne morale, c’est-à-dire dans l’intérêt de cette personne ou, plus généralement, dans le cadre de son activité : le permis de construire a été délivré au profit de la société et les travaux réalisés, pour l’exercice de son activité, sont plus importants que ceux qui avaient été autorisés ;
b) une infraction par les organes ou représentants de la personne morale, c’est-à-dire d’une part les personnes chargées par la loi ou les statuts de prendre les décisions ou de présider à leur exécution (président, directeur général, gérant, syndic de copropriété, etc…) d’autre part, les personnes chargées d’incarner la personne morale dans ses rapports avec les tiers (qu’il s’agisse d’un mandat général ou d’un mandat spécial). A noter que le salarié, qui n ‘est ni organe ni représentant, peut également engager la responsabilité de la personne morale dès lors qu’il est bénéficiaire d’une délégation de pouvoir (cass. crim. 9 nov. 1999). La responsabilité de la personne morale n’existe que dans la mesure où toutes les conditions de la responsabilité et, notamment l’élément psychologique, existent chez la personne, organe ou représentant ; en d’autres termes, la responsabilité de la personne morale n’est qu’une responsabilité – reflet de celle de la personne physique (cass. crim. 2 déc. 1997). Ainsi, la responsabilité de la personne morale titulaire du permis et pour le compte de laquelle les travaux sont effectués suppose nécessairement que l’organe qui a présidé à l’exécution des travaux a été conscient, par exemple, du dépassement de l’autorisation délivrée. Enfin, les poursuites à l’encontre de la personne morale n’excluent nullement les poursuites de la personne physique.
Les peines encourues
Elles sont énoncées par le nouvel article L. 480-4-1 du Code de l’Urbanisme :
– l’amende dont le taux minimum est égal au quintuple du taux maximum applicable aux personnes physiques :
– l’interdiction, à titre définitif ou temporaire (maximum cinq ans) d’exercer directement ou indirectement l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ;
– le placement pour une durée de cinq ans au plus sous surveillance judiciaire, ce qui implique, de la part de la juridiction correctionnelle, la désignation d’un mandataire de justice lui-même chargé de rendre compte au juge de l’application des peines ;
– la fermeture, définitive ou temporaire (maximum cinq ans) des établissements ou de l’un ou plusieurs des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;
– l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus – ce qui peut constituer pour certaines entreprises une véritable condamnation à disparaître ;
– l’affichage ou la diffusion par la presse de la décision de condamnation.
Peuvent également être prononcées la démolition ou la mise en conformité, possibilité qui subsiste en cas de dissolution de la personne morale, comme elle subsiste en cas de décès de la personne physique.