A propos de l’arrêt LEROUX CASS. CIV. 1è, 18 juillet 2000 Note de Maître JULIEN SAINT-AMAND

Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. 1è civ. 28 juillet 2000) rendue en matière d’assurance vie suscite de grands débats sur la porté qu’il convient de lui donner.

Un rappel des faits s’impose avant de présenter les différentes lectures qui peuvent être faites de l’arrêt de la Cour Suprême.

Charles LEROUX avait versé une prime unique de 50.000 Francs sur un contrat d’assurance-viager dénommé « Assurécureuil » dont il était souscripteur et assuré. Il avait désigné pour bénéficiaire unique, dans l’hypothèse de son décès, Roger LEROUX, l’un de ses quatre enfants. A sa mort, l’enfant bénéficiaire invoqua les articles L.132-12 et L.132-13 du Code des assurances, qui placent hors succession les capitaux versés au terme d’un contrat d’assurance-vie, pour s’opposer à tout rapport et toute éventuelle réduction pour atteinte aux droits réservataires de ses cohéritiers. Ces derniers contestèrent devant les juges du fonds l’application de ces articles en raison de la nature du contrat. La Cou d’appel de ROUEN (arrêt du 10 septembre 1977), confirmant le jugement rendu par le motif que « le contrat improprement qualifié de contrat d’assurance-viager, correspond à une opération de capitalisation qui, s’étant dénouée par le décès de Charles LEROUX, a réalisé la transmission dans une intention libérale ». 

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Peu satisfait de cette décision, l’enfant bénéficiaire se pourvut en cassation en invoquant « que l’article L.132-12 du Code des assurances, qui soustrait de la succession et donc de l’obligation au rapport le capital ou la rente stipulés payables au décès de l’assuré, figure dans le chapitre II du titre III du livre 1er du Code des assurances, intitulé « les assurances sur la vie et les opérations de capitalisation », que cet article ne fait aucune distinction quant à la qualification de l’opération ayant donné lieu au versement du capital ou de la rente ; qu’en décidant toutefois que la convention conclue par Charles LEROUX au bénéfice de son fils devait être qualifiée d’opération de capitalisation et que la somme versée en exécution de cette convention devait, en conséquence, être rapportée à la succession, la cour d’appel a introduit une distinction non visée par la loi et a violé le texte précité ».

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi par un attendu laconique : « Mais attendu que les dispositions des articles L.132-12 et L.132-13 du Code des assurances ne s’appliquent pas aux contrats de capitalisation ; que le moyen est donc sans fondement ».

La distinction entre le contrat d’assurance vie prévoyance et le contrat d’assurance vie placement apparaît délicate, et peut-être inutile, si l’on aborde le débat différemment. L’objectif n’est-il pas uniquement d’éviter les abus qu’ils soient fiscaux ou civils ?

Fiscalement, les garde-fous fiscaux ont été posés : application du droit de prélèvement au-delà d’un million par bénéficiaire et droits de succession sur les primes excédant 200.000 Francs versées après les 70 ans de l’assuré.

Dès lors, ne devrait-ont, dans les limites ainsi rappelées, considérer que tous les contrats qui prévoient qu’au décès de l’assuré le capital est transmis au bénéficiaire désigné, sont des contrats dits d’assurance vie et bénéficient à ce titre du régime fiscal qui a fait leur fortune ?

Civilement, ne pourrait-on s’inspirer de l’action en retranchement prévue par l’article 1527 al. 2 du Code civil pour sanctionner les abus lorsque le montant des primes versées sur le contrat (revalorisées ou non de la capitalisation selon la nature du contrat), porte atteinte à la réserve héréditaire ?

Transposée à l’assurance vie, la réduction loin d’être systématique ne serait qu’extrêmement marginale. En effet, elle ne pourrait s’appliquer qu’aux contrats qui excèdent la quotité disponible, et en ce cas, si les héritiers réservataires n’en sont pas les bénéficiaires. Par ailleurs, même si ces conditions sont réunies, les réservataires, s’ils partagent le souci de protection du bénéficiaire (conjoint, frère ou sœur handicapé, etc…) souhaité par le souscripteur, pourront renoncer au bénéfice de l’action en réduction qui leur est offerte. Dans tous ces cas de figures, le traitement juridique et fiscal resterait d’une grande simplicité.

Source : F.L.F.R. n°9, 16 février 2001 page 5